Taxo-Les Gavarettes, Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales)


Fouilles préventives - ACTER - 2012


Carole Puig (ACTER, FRAMESPA), Rachel Castella (ACTER), Sylvain Durand (ACTER), Jean-Paul Cazes (ACTER), Fanny Sérée (Mosaïques Archéologie), J.-M. Carozza (GEODE), A. Cloarec (LA3M), A. Constant (LA3M), J. Knockaert (MNHN), J. Ros (MNHN), A. Durand (LA3M), C. Vaschalde LA3M).


Les vestiges mis au jour couvrent différentes périodes. Une occupation préhistorique a été illustrée par plusieurs fosses d’époque chasséenne, une fosse chalcolithique, et du mobilier rencontré un peu partout sur la parcelle. Un puits de l’Age du Fer et des indices épars témoignent aussi d’une fréquentation du site au cours de la Protohistoire. C’est toutefois à l’extrême fin de l’Antiquité que débute l’occupation la plus caractéristique. Huit sépultures ont été découvertes dans la partie centrale de la zone nord. Bien que les ossements soient très abîmés, il a été possible de dater une partie de ces inhumations de la première moitié du VIe siècle. Malgré leur petit nombre, quatre architectures différentes ont été distinguées. Situées en limite orientale de la zone d’emprise, ces tombes induisent la présence d’une nécropole plus vaste.

Le site est ensuite fréquenté sans interruption jusqu’au XIIe siècle. Ainsi, le VIIe siècle voit la création d’une vaste aire d’ensilage qui se développe jusqu’aux XIe – XIIe siècles contre le rempart médiéval de Taxo-d’Avall. Plus de 1950 fosses ont été mises au jour, mais la fouille a démontré que la densité et le chevauchement des structures sont tels, qu’un certain nombre de creusements ont été en grande partie écrêtés. Il s’agit donc d’un décompte minimal des vestiges. Bien que ce phénomène méridional d’ensilage groupé ait été observé par ailleurs (Saint-Jean d’Aureillan à Béziers, l’Oustalou à Préserville, Clos-Montplaisir à Vieille-Toulouse…), il n’a jamais été attesté avec une telle ampleur. La richesse imprévue du site nous a contraint à mettre au point une méthodologie privilégiant trois pistes de recherches concernant la compréhension de l’organisation spatiale de l’aire d’ensilage, la datation des structures et la variabilité des techniques d’ensilage. Pour cela, en collaboration avec le Service Régional de l’Archéologie, il a été décidé de favoriser la fouille manuelle des structures. Sur les 1200 fosses fouillées, 47% l’ont été manuellement. L’intérêt de cette opération réside aussi dans l’appréhension quasi-totale de l’aire, permettant de s’interroger sur les limites du site. D’autres parts, sa localisation est atypique puisqu’elle se trouve contre le village médiéval attesté à partir des IXe – Xe siècles. Des vestiges bâtis datés des VIIe – VIIIe siècles ont été mis au jour au nord de l’emprise ; ils préfigurent peut-être déjà le village primitif. Les structures de stockage s’accompagnent de foyers et de fours qui posent aussi la question d’un éventuel artisanat à proximité du site.

Enfin, un sol brun a été individualisé dans la partie méridionale de la zone d’étude présentant de nettes traces de dessiccation, à mettre peut-être en relation avec la naissance de l’aire d’ensilage sur un terrain alors plus sec et propice au stockage céréalier. Après l’abandon du site, le paléochenal qui traverse de part en part la parcelle, est colmaté par un important épisode hydrique daté de la fin du Moyen Age (XIVe – XVe siècle) correspondant aux dégradations liées au Petit Age Glaciaire.

 

Cette opération éclaire de manière significative les techniques de conservation des grains et les modes alimentaires médiévaux que l’on croyait plus homogènes. Elle permet également d’illustrer la vie quotidienne des populations rurales roussillonnaises, l’évolution des formes du relief et du climat, et, par conséquent, les dynamiques d’occupation du sol au cours du Moyen Age. Dans un second temps, elle permet de s’interroger sur la fonction et le statut propre du site, au niveau économique (réserve, marché, thésaurisation…) mais aussi politique. En effet, l’aire d’ensilage est à mettre en relation avec l’autorité vicomtale qui se développe à Taxo au XIe siècle. Elle serait abandonnée alors que le lignage vicomtal s’éteint à son tour. Elle est en tout cas à replacer au centre d’un espace restreint délimité par Elne, au nord, siège épiscopal à partir du VIe siècle, Collioure à l’est, port du Roussillon pendant tout le Moyen Age, Ultréra au sud, pôle aristocratique incontestable (Ve - XIe s.), le long d’une voie qui, même si elle n’a pas été localisée avec précision, constitue un axe majeur de circulation vers la péninsule Ibérique.